La justice fut très sollicitée ces derniers mois sur le sujet épineux du cannabidiol (CBD), molécule non psychotrope du cannabis, qui aurait des vertus anxiolytiques que l’on nomme usage « bien-être » du produit. Les diverses décisions ont entrainé crainte puis soulagement des acteurs de ce secteur au chiffre d’affaire estimé à 1 milliard d’euros.
Un va-et-vient législatif
La France avait décidé d’interdire la vente de CBD… avant d’être débouté par la cour européenne en novembre 2020. Cette dernière avait rappelé que le CBD ne pouvait être considéré comme un stupéfiant, puisqu’il n’avait « aucun effet psychotrope ni (…) effet nocif sur la santé humaine ».
Par la suite, dans un arrêté du 31 décembre 2021, le gouvernement actait que “la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation » sont interdites.
La mission interministérielle de la lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDCA) a acté que « Des études scientifiques ont montré que le CBD agissait au niveau du cerveau sur les récepteurs à la dopamine et à la sérotonine, en faisant ainsi un produit psychoactif à part entière », évoquant de possibles effets « de sédation et de somnolence ».
Le 26 janvier, le Conseil d’État décide de suspendre, temporairement, l’interdiction de commercialiser à l’état brut des fleurs et feuilles de certaines variétés de cannabis, alors même que leur teneur en THC est inférieure à 0,3 %, offrant ainsi un peu d’espoir et de répit aux boutiques vendant du CBD.
Les nouvelles opportunités du CBD « made in France »
« Pour nous c’était une épine dans le pied, on était aux abois et ça remettait en cause toute la filière. L’horizon se dégage mais tout reste à faire », s’est réjoui le président du syndicat du chanvre, Aurélien Delacroix.
Avec cet arrêté, la France assouplit sa position sur la culture du chanvre, restreint jusqu’à lors aux graines et à la fibre. Sont désormais autorisées « la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L. »
Avant cette décision, les fleurs de chanvre étaient importées du Luxembourg, d’Italie ou de Suisse. Déjà cultivé en France par 1300 agriculteurs ayant un peu devancé l’autorisation, le chanvre va enfin bénéficier d’un nouveau débouché avec la légalisation de la production de CBD à partir de ses inflorescences.
Par ailleurs, les agriculteurs prônent son caractère couvrant qui la dispense de pesticides et sa croissance rapide : en 4 mois, les plants peuvent atteindre 3,5 m de haut.
L’absence de clarté de la règlementation
Pour autant, tout n’est pas réglé notamment en ce qui concerne les produits finis touchant à l’alimentaire et aux cosmétiques. L’Union des industriels dans un communiqué de presse souligne l’importance « d’instaurer un cadre national soumettant l’usage du CBD dans les compléments alimentaires à certaines normes, afin de sécuriser le premier marché de débouché pour le CBD et de garantir la qualité de ces produits ».
Enfin, une plus grande clarté permettrait aux acteurs de ce secteur de promouvoir leur marchandise via les géants du web, qui restent encore sur leur garde quant à la légalité du produit.
L’UIVEC (l’Union des Industriels pour la Valorisation des Extraits de Chanvre) a organisé une première réunion de la filière des extraits de chanvre, lors de laquelle la ministre chargée de l’industrie Agnès Pannier Runacher nous confie que « cette variété de possibilités d’utilisation (du CBD) représente une opportunité pour notre économie, puisque la France est le premier pays producteur européen de chanvre et parmi les premiers producteurs au monde. Nous disposons des atouts nécessaires pour devenir l’un des leaders mondiaux en la matière ».
A condition que la législation suive.