De plus en plus d’entreprises ont compris que le bien-être de leurs employés influait sur leur productivité. Dans ce but, certaines d’entre elles ont mis en pratique la semaine de quatre jours, et affirment multiplier les bénéfices. Travailler moins pour gagner autant, la proposition est attractive, et a ressuscité le débat à la faveur de la primaire écologiste.
Un pari ambitieux et séduisant qui pourrait se révéler une norme dans les années à venir.
Une genèse dans les années 90
Ce projet ne date pourtant pas d’hier. L’idée a germé dans les années 90. Le patron de Danone avait lancé le concept en 1993, dans une tribune du monde assez révolutionnaire : ” il faut descendre à 32 heures, sans étape intermédiaire. Cela obligera toutes les entreprises à créer de l’emploi. ”
La loi Robien a concrétisé le projet et a permis aux entreprises de réduire le temps de travail. Puis sont arrivées les lois Aubry sur les 35 heures, qui sont venues abroger la semaine de quatre jours et banaliser la semaine de cinq jours.
La crise sanitaire a relancé le débat
La pandémie a remis en cause notre façon de travailler et a relancé le débat.
Déjà appliquée en Islande et en nouvelle Zélande, le projet sera testé en Espagne, pendant trois ans, au sein de 200 entreprises volontaires, qui bénéficieront d’une aide financière étatique.
En Allemagne, où 300 000 emplois sont menacés depuis la pandémie, un accord dans la métallurgie ouvre la voie à une semaine de quatre jours.
Pour sa part, le Royaume-Uni tente l’expérience sur six mois avec 30 entreprises volontaires « qui ont accepté de permettre au personnel de travailler jusqu’à 32 heures par semaine sans réduire leurs salaires ni leurs avantages », indique le New York Post.
En France, si aucune législation n’oblige les entreprises à modifier leur temps de travail, certaines ont déjà sauté le pas.
Un projet gagnant-gagnant pour les entreprises et les travailleurs : la productivité sans le stress
L’Islande a testé de 2015 à 2019 la semaine de quatre jours sur 1% de la population active. Les bilans sont sans appels.
L’étude rapporte que la qualité et le niveau de productivité sont maintenues, tandis que les employés en ont tiré un grand bénéfice personnel.
Le rapport précise que travailleurs ont pu observer une diminution du stress et de l’épuisement professionnel, et une amélioration de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
En France, une entreprise d’informatique, LDLC a mis en place la semaine de quatre jours en janvier dernier. Entre 800 et 1000 salariés ont travaillé 32 heures par semaine sur quatre jours sans perte de salaire, et en ont eux aussi tiré les mêmes bénéfices. « Ça nous a changé la vie » a même déclaré l’un d’entre eux.
Le chef de l’entreprise, Laurent de Clergerie, a lui aussi constaté ces répercussions positives : « Depuis qu’on a fait le choix des quatre jours en janvier dernier, la tension est totalement descendue. Je ne peux pas affirmer que tout le monde soit content de venir au travail, mais maintenant, je vois des sourires à la fin de la semaine ».
À en croire Claude Prigent, directeur et cofondateur de l’entreprise, avec un jour de repos supplémentaire, le salarié, en est le premier gagnant, mais l’entreprise n’y est pas perdante, bien au contraire. « Nos salariés travaillent 4 jours sur 5 mais on travaille 13 mois sur 12, explique-t-il. Ils travaillent individuellement moins mais les machines tournent, en valeur absolue, plus longtemps. Cela nous a permis d’augmenter nos capacités de production de 12 % sur l’année. ».
Depuis 1997, l’entreprise de transformation des constructions du BTP en matériaux routiers Yprema a opté pour cette organisation pour 80 % de ses salariés.
Les entreprises ne perdent donc pas au change. Les salariés sont plus motivés et plus productifs, adaptant de nouvelles méthodes de travail et d’organisation afin de répondre aux objectifs de l’entreprise. En outre, les sociétés ne ferment aucun jour de la semaine, puisque les salariés se répartissent un jour, qui n’est pas systématiquement le vendredi.
Mais pour le moment, les entreprises pratiquant la semaine de quatre jours restent rares. En outre, les PME françaises gardent un a priori de contre-productivité et craignent que les objectifs ne soient pas atteints.
De plus, ce système qui fonctionnerait dans les très grosses entreprises n’est peut-être pas applicable chez les petits indépendants.
Par exemple, une start-up avec peu de salariés et une importante charge de travail, n’est pas en mesure de retirer un jour de labeur. Dans les grandes entreprises, repenser une organisation nécessite un lourd remaniement.
François Asselin, le Président de la CPME estime que l’immense majorité des entreprises ne peut pas fonctionner sur quatre jours seulement. « Il est aussi plus fatigant de travailler 10 heures par jours que 8, ce qui pose un problème de productivité » soutient-il. « Nous avons besoin collectivement de travailler davantage pour dégager plus de richesse » conclut le chef d’entreprise.
Ainsi, il semblerait qu’il faille attendre encore quelques années pour que la semaine de quatre jours devienne une généralité dans le monde du travail.